Sommes-nous les mêmes en ligne et en privé ? Les impacts sur l’authenticité et la propagation des fausses informations

Introduction

Dans l’arène publique des réseaux sociaux, il est courant de voir des individus approuver des idées ou des déclarations fausses, parfois même contraires à leurs propres convictions. Pourquoi ? Par souci de plaire, d’appartenir à un groupe ou simplement de maintenir l’attention de leur auditoire. Ce phénomène n’est pas anodin : il contribue directement à la propagation des fake news, notamment celles qui exploitent nos peurs et nos vulnérabilités. Cette réalité est accentuée par le recours croissant à des discours de culpabilisation du système, qui séduisent particulièrement les personnes en souffrance.

Dans cet article, nous allons explorer ces dynamiques sous un angle psychologique, en nous appuyant sur les travaux d’experts reconnus, et proposer des solutions pour naviguer avec plus de conscience dans cet espace complexe.


Pourquoi approuvons-nous parfois ce que nous savons faux ?

1. La pression sociale : un moteur puissant

Dans un espace public comme un live ou un fil de discussion, nous cherchons souvent à être acceptés par notre auditoire. Ce besoin d’appartenance, expliqué par le psychologue Abraham Maslow dans sa célèbre hiérarchie des besoins, peut nous conduire à valider des idées fausses pour éviter de nous sentir isolés ou jugés.

Exemple : Lors d’un live, un intervenant affirme que “se connecter à un système comme FranceConnect permet au gouvernement de vous tracer et de vous nuire si vous vous opposez au système”. Bien que cette déclaration soit infondée, certains spectateurs peuvent l’approuver pour éviter d’être perçus comme naïfs ou pro-système.

Études pertinentes :

  • Solomon Asch (1951) a démontré dans ses expériences sur le conformisme que même face à une vérité évidente, une majorité de participants choisit de suivre l’opinion erronée d’un groupe, par peur de se démarquer.
  • Irving Janis (1972), avec son concept de groupthink, montre que dans des groupes soudés, la quête d’harmonie pousse les individus à ignorer ou minimiser les erreurs pour éviter les conflits.

2. La recherche de validation personnelle

Les réseaux sociaux favorisent un environnement où chaque interaction (likes, partages, commentaires) peut être perçue comme une approbation de la personne elle-même, et non uniquement de ses idées. Cela pousse certains à s’aligner sur des discours populistes ou simplistes pour maximiser leur visibilité.

Ce que cela révèle :

  • Selon le psychiatre John Suler, dans son étude sur l’Online Disinhibition Effect, l’environnement numérique favorise la désinhibition, incitant les individus à chercher des réponses simples ou immédiates, souvent au détriment de la nuance.
  • Sherry Turkle (MIT), spécialiste des interactions numériques, souligne que les gens utilisent les réseaux comme un miroir, recherchant constamment une validation externe qui les conforte dans leur identité.

3. Les fausses informations et les récits complotistes : un piège émotionnel

Les fake news exploitent les émotions, en particulier la peur et l’angoisse. Les récits complotistes, en particulier, apportent des réponses simplifiées à des souffrances complexes en désignant un ennemi clair : “le système”.

Pourquoi ces récits séduisent-ils ?

  • Selon Karen Douglas, psychologue spécialiste du complotisme, les théories du complot offrent trois gratifications principales :
    1. Épistémique : Le besoin de comprendre des événements incertains.
    2. Existentielle : Le besoin de se sentir en sécurité et en contrôle.
    3. Sociale : Le besoin de maintenir une image positive au sein d’un groupe partageant les mêmes croyances.

Exemple : Une personne en difficulté administrative peut être attirée par un discours affirmant que “FranceConnect n’existe que pour surveiller et punir les opposants”. Ce récit, bien que démenti par des analyses techniques et juridiques, offre un exutoire émotionnel et une explication simpliste à des frustrations réelles.


Les conséquences sur la propagation des fausses informations

  1. Amplification des idées fausses
    Quand une personne approuve publiquement une fake news ou une idée complotiste, même par commodité, elle renforce la crédibilité perçue de cette idée auprès d’autres utilisateurs.
  2. Création de bulles cognitives
    Les algorithmes des réseaux sociaux amplifient les contenus qui génèrent des interactions. Plus une idée simpliste ou sensationnaliste est approuvée, plus elle est mise en avant, créant une boucle de validation.
  3. Renforcement des divisions sociales
    Selon Cass Sunstein, professeur en sciences politiques, l’exposition répétée à des informations biaisées dans des groupes homogènes radicalise les croyances et isole les individus des perspectives opposées, un phénomène appelé polarisation de groupe.

Comment agir face à ces dynamiques ?

1. Cultiver une pensée critique en ligne

  • Avant d’approuver une idée, posez-vous ces questions :
    • Cette affirmation repose-t-elle sur des faits ?
    • Ai-je vérifié la source ?
    • Suis-je influencé(e) par la pression du groupe ?
  • Références utiles : Les outils comme CrossCheck ou FactCheck.org permettent de vérifier la véracité des informations.

2. Apprendre à dire “je ne sais pas”

Plutôt que d’approuver un discours douteux, osez exprimer votre incertitude. Cela peut encourager une discussion ouverte plutôt que la propagation de fausses informations.

3. Éviter les débats improductifs en live

Si vous sentez que l’environnement d’un live est polarisé ou toxique, il est préférable de ne pas participer activement. Préservez votre énergie pour des espaces où un débat constructif est possible.


4. Prendre soin de ses vulnérabilités émotionnelles

Les récits complotistes séduisent particulièrement les personnes en quête de réponses à leurs souffrances. Il est donc essentiel de reconnaître vos émotions et d’apprendre à chercher des solutions dans des espaces fiables :

  • Privilégiez des échanges privés et sincères avec des proches ou des experts.
  • Consultez des ressources validées par des professionnels de la santé mentale.

Conclusion : Vers une présence en ligne plus responsable

Les réseaux sociaux modifient profondément nos interactions, souvent au détriment de l’authenticité et de la véracité. Comprendre pourquoi nous approuvons parfois ce qui est faux et comment ces dynamiques renforcent la propagation des fausses informations est un premier pas vers une présence numérique plus consciente.

Comme le souligne Sherry Turkle, “nos outils ne sont pas neutres. Ils modifient ce que nous sommes”. Adopter une approche critique et réfléchie peut nous aider à mieux naviguer dans cet espace et à protéger nos valeurs fondamentales face aux pressions sociales et émotionnelles.


Sources et références :

  1. Karen Douglas, Psychological Science in the Public Interest, sur les théories du complot.
  2. Philip Zimbardo, The Lucifer Effect, sur la désindividualisation.
  3. John Suler, The Online Disinhibition Effect.
  4. Sherry Turkle, Alone Together et Reclaiming Conversation.
  5. Solomon Asch, Opinions and Social Pressure, 1951.

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