La surmédication des enfants : une problématique majeure en protection de l’enfance

Introduction

La prescription de médicaments psychotropes chez les enfants est en augmentation constante, particulièrement parmi les jeunes placés sous la protection de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Ces enfants, déjà fragilisés par des traumatismes, sont exposés à une surmédication préoccupante, souvent en raison d’un manque de solutions alternatives adaptées. Cet article explore les conséquences de cette pratique, les écarts entre enfants en milieu familial et enfants placés, et propose des pistes pour réduire la dépendance aux traitements médicamenteux.

Les conséquences de la surmédication chez les enfants

Si les psychotropes peuvent être nécessaires dans certaines situations, leur prescription abusive entraîne des conséquences graves, surtout pour les enfants en pleine croissance.

1. Effets secondaires physiques et cognitifs :

• Troubles métaboliques tels que prise de poids, diabète et dyslipidémie.

• Problèmes neurologiques incluant troubles de la mémoire, ralentissement cognitif et difficultés d’apprentissage.

• Symptômes de sevrage et risque de dépendance.

2. Impact sur le développement cérébral :

Les médicaments psychotropes affectent le système nerveux central, pouvant altérer le développement cérébral et la maturation émotionnelle des enfants.

3. Stigmatisation sociale :

Être sous traitement psychotrope, surtout en foyer ou en milieu scolaire, peut renforcer l’isolement social et nuire à l’estime de soi des enfants.

Selon un rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), la consommation de psychotropes chez les 6-17 ans en France a doublé entre 2010 et 2021, avec des hausses alarmantes de +49 % pour les antipsychotiques et +63 % pour les antidépresseurs.

Les enfants placés : les plus exposés

Statistiques clés :

• Une étude américaine a révélé que 18,1 % des enfants placés (foyers, familles d’accueil) consomment des psychotropes, contre seulement 6,8 % des enfants vivant en famille biologique.

• En France, le HCFEA note également une surconsommation de psychotropes chez les enfants pris en charge par l’État, bien qu’aucune statistique précise ne soit publiée.

Pourquoi une telle différence ?

1. Traumatismes multiples :

Les enfants placés sont souvent victimes d’abus, de négligence ou de ruptures familiales, entraînant des troubles complexes comme les troubles de l’attachement ou des comportements agressifs.

2. Manque de ressources adaptées :

En foyer, les éducateurs et les professionnels de santé manquent souvent de moyens pour répondre autrement qu’avec des médicaments aux troubles du comportement.

3. Prescriptions hors autorisation de mise sur le marché (AMM) :

De nombreux psychotropes sont prescrits sans qu’ils aient été spécifiquement testés ou validés pour les enfants.

Avis des professionnels de santé

De nombreux experts tirent la sonnette d’alarme face à cette surmédicalisation.

Dr Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, explique : « Les enfants traumatisés ont besoin de liens humains stables et sécurisants pour reconstruire leur identité. Les médicaments peuvent apaiser temporairement les symptômes, mais ils ne soignent pas les blessures profondes. »

Dr Philippe Jeammet, pédopsychiatre, insiste : « Les psychotropes ne sont pas une solution unique. Ils doivent s’inscrire dans une prise en charge globale qui intègre la thérapie, l’éducation et le soutien émotionnel. »

Des alternatives pour une prise en charge adaptée

1. Approches thérapeutiques :

Psychothérapies adaptées : Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) ou les thérapies centrées sur le traumatisme sont particulièrement efficaces.

Groupes de parole sécurisés : Ces espaces permettent aux enfants d’exprimer leurs émotions et de développer des stratégies d’adaptation.

2. Soutien éducatif renforcé :

• Formation accrue des éducateurs et des familles d’accueil pour gérer les troubles sans recours excessif aux médicaments.

• Mise en place de référents stables pour créer des relations de confiance.

3. Pratiques corporelles et alternatives :

Activité physique régulière : Le sport aide à réguler l’anxiété et canalise les énergies.

Pleine conscience et méditation : Ces techniques aident à apaiser le stress et à renforcer la capacité d’attention.

Art-thérapie : La musique, le dessin ou le théâtre offrent des moyens d’expression alternatifs et apaisants.

4. Renforcement des structures de protection de l’enfance :

• Augmenter le nombre de psychologues et de psychiatres dans les foyers et les familles d’accueil.

• Développer des unités spécialisées pour les enfants présentant des troubles complexes.

Conclusion : agir pour protéger les enfants vulnérables

La surmédication des enfants, particulièrement en protection de l’enfance, révèle un problème systémique. Les psychotropes, souvent utilisés comme une solution rapide, ne doivent jamais remplacer des approches globales et adaptées.

Le ministère de la protection de l’enfance s’engage à encourager des alternatives thérapeutiques et à renforcer les moyens alloués aux structures d’accueil. Chaque enfant mérite une prise en charge respectueuse de son développement et de son histoire, pour lui permettre de construire un avenir serein.

Sources :

1. Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) :

Rapport sur l’augmentation de la consommation de psychotropes chez les enfants et adolescents.

Lien vers le rapport HCFEA sur Vie Publique

2. Étude américaine sur les enfants placés :

Étude montrant que 18,1 % des enfants placés consomment des psychotropes, contre 6,8 % des enfants vivant en famille biologique.

Lien vers l’article sur Cairn Info

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