Les abus sexuels sur mineurs sont des crimes d’une gravité extrême, aux répercussions durables sur les victimes, leurs familles et la société. Dans ce contexte, la justice restaurative propose une alternative ou un complément à la justice pénale, visant non seulement à réparer les torts, mais aussi à rétablir des équilibres émotionnels et sociaux.
Cependant, cette approche soulève des enjeux éthiques, pratiques et psychologiques spécifiques. Elle nécessite un encadrement strict et des garanties pour protéger les victimes tout en permettant un dialogue encadré avec l’auteur, lorsque cela est jugé opportun par toutes les parties.
Pourquoi envisager la justice restaurative dans ces cas ?
1. Réparer les traumatismes des victimes
Les travaux de Judith Herman, psychiatre spécialisée dans les traumatismes, montrent que les victimes d’abus sexuels souffrent souvent de trois types de blessures : une perte de contrôle sur leur vie, une destruction de leur dignité et une rupture des liens sociaux. La justice restaurative, en leur offrant un espace sécurisé pour raconter leur histoire, les aide à :
• Reprendre le pouvoir sur leur récit.
• Exprimer leurs émotions (colère, tristesse, incompréhension) directement à l’auteur ou à un médiateur.
• Obtenir des réponses ou une reconnaissance des torts subis.
2. Prévenir la récidive chez les auteurs
Des études de Tony Ward, spécialiste en criminologie, indiquent que les auteurs d’abus sexuels qui participent à des programmes de justice restaurative combinés à un suivi psychothérapeutique montrent un taux de récidive plus faible. Ces processus les confrontent à l’impact concret de leurs actes, brisant souvent les mécanismes de déni.
3. Restaurer des dynamiques familiales ou communautaires
Dans certains cas d’abus intrafamiliaux, la justice restaurative peut aider à clarifier les responsabilités et à poser des bases pour une réconciliation, lorsque les victimes souhaitent maintenir un lien avec certains membres de leur famille.
Enjeux et conditions spécifiques
Encadrement strict
La justice restaurative dans les cas d’abus sexuels ne peut être envisagée qu’avec :
• Le consentement explicite et éclairé des victimes, après un accompagnement thérapeutique.
• L’intervention de médiateurs et psychologues spécialisés.
• La mise en place d’un cadre sécurisant, garantissant que les victimes ne soient pas revictimisées.
Reconnaissance préalable des faits
Pour que le processus fonctionne, l’auteur doit reconnaître pleinement ses torts, une condition essentielle identifiée par les sociologues John Braithwaite et Christie Nils.
Temporalité adaptée
La psychologue Mary Koss, qui a étudié les programmes de justice restaurative dans les cas de violences sexuelles, insiste sur l’importance d’attendre que les victimes soient prêtes à entreprendre une telle démarche, souvent plusieurs années après les faits.
Références sociologiques et psychiatriques
1. Howard Zehr (Pionnier de la justice restaurative) :
• Met en avant la nécessité d’un dialogue empathique pour permettre la transformation des relations entre victimes et auteurs.
2. Boris Cyrulnik (Psychiatre et éthologue) :
• Souligne que la résilience des victimes repose sur leur capacité à reconstruire une histoire personnelle cohérente, un processus favorisé par des démarches restauratives.
3. Émile Durkheim (Sociologue) :
• Théorise l’importance des rituels sociaux pour rétablir l’ordre après des ruptures graves dans la société.
4. Viktor Frankl (Psychiatre) :
• Met en avant l’idée que le sens trouvé dans la douleur peut contribuer à la guérison, une notion applicable aux processus restauratifs.
Sources et références
1. Tony Ward – The Good Lives Model of Offender Rehabilitation
